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Depuis « Quand des jours meilleurs se font attendre » , solo organisé en 1999 au cœur Saint Lambert à Liège, elle se faisait… attendre cette importante exposition monographique de Johan Muyle. C’est chose faite au BPS 22 à Charleroi. De superbe façon.


D’aucuns s’attendaient à rallier Bolliwood sur Sambre, un Madras carolo et festif pour l’occasion, à découvrir une exposition animée comme un champ de foire foraine où les amis peintres affichistes de la capitale hindi du cinéma viennent de poser la dernière couche de couleur sur quelque barnumesque portrait marouflé tandis que l’artiste lui-même achève d’en régler la mécanique huilée, sonore et motorisée. Et bien non, Johan Muyle en a décidé autrement. Sans aucunement renier cette incontournable part de l’œuvre, il a préféré pour cette exposition produite par le BPS22 de Charleroi mettre l’accent sur la magie de l’atelier laboratoire, et tel un funambule en équilibre sur le fil de son univers poétique, a choisi de décliner une autre facette, plus intimiste a certains égards, du travail qu’il mène inlassablement depuis les années 80. Rassemblant œuvres plus anciennes et assemblages récents, rapatriant pour l’occasion ses « Reines Mortes », cette truie qui se dresse comme une déesse-mère par dessus une baignoire de zinc ou son « Impossibilité de régner », ubuesque rhino sur roulettes, il actualise, acteur de sa propre scénographie, la perception syncrétique qu’il a du monde pour une exposition qui, sans être rétrospective, a la qualité de densifier son propos et de nous plonger à bras le corps dans un univers parfaitement singulier.

L’atelier, l’imaginaire

Au centre du vaisseau plongé dans l’obscurité mais empli des bruits les plus divers, le halo lumineux de l’atelier. Une transposition à échelle réelle, l’atelier tel quel, comme un monumental assemblage dont les murs sont tapissé des nouvelles du monde. L’atelier du Facteur Cheval, ou de Kurt Schwitters, ou d’Antoine Wiertz, la vitrine de la maison ostendaise de James Ensor. Où donc se situe l’œuvre, où donc se situe le lieu d’où l’œuvre surgit ? Où donc se situe le praticable, ce plateau scénographique, et la pratique de l’art ? Tout ici est intrinsèquement lié et l’image de l’atelier se confond à l’œuvre tant le laboratoire d’imaginaire est imaginaire de l’artiste. C’est un capharnaüm carnavalesque, un bric à brac de brocanteur hétéroclite et au sens plurivoque ; les saints de plâtre côtoient les animaux taxidermisés, les ex-votos et images d’Epinal, les roues de vélo et les objets africains, un squelette et une calèche. Et tout semble déjà articulé, assemblé comme si ce monde intérieur, cet étonnant cabinet de curiosités allait de lui-même s’animer, sans plus aucune intervention de l’artiste, sans qu’il bricole quoique ce soit, parfaitement autonome donc. À l’heure de toutes les pratiques processuelles, Johan Muyle choisit de scénographier celle qui lui est essentielle, ce processus vital de pensée où tout est encore et déjà, onirique, fantasmatique, où des bribes du monde sont monde à part entière et qui, telle une œuvre d’art, pourrait être montré. C’est là que se cotoient déjà Witz et vide, liturgie et surenchere du faux sublime, hybridation des tentacules de la pensée. C’est là aussi comme un processus que l’artiste avait déjà décliné d’une autre manière lorsque Patrick Bonté lui proposa de créer la scénographie du « Caméléon » de Jean Muno et où pour un texte aussi drôle que lucide, à l’image de l’œuvre de Muyle, le plasticien avait choisi de flanquer la scène de sa table d’atelier. Une façon donc d’être au cœur du monde hors le monde.

 

Métisser notre regard

Et c’est en effet dans l’hybridation de la pensée et des chemins qu’elle emprunte que se situe le moteur de ses assemblages souvent mécaniques et motorisés. Au-delà de la dimension poétique de ces œuvres qui associent le mot et l’image, le sens et contre-sens, la vie et la mort, l’art populaire et la tradition foraine, le musée Spitzner et le cabinet de curiosité, Ensor et Madras, il y a une incontestable dimension éthique, presque comme une dérive pataphysique tant il s’agirait de trouver des solutions imaginaires au monde comme il va. L’œuvre de Muyle est brassée, croisée ; elle est une sorte d’anthropophagie culturelle, elle prône la créolisation comme valeur identitaire, elle questionne nos modes de représentation du monde, entre deux grincements de dents, cynisme et ironie, dérapage et métissage. Ses œuvres naissent de conjonctions plus que de juxtapositions dans un immense brassage multiculturel, multi ethnique où tout se complémente, où tout s’implique lorsque tout se complique, telle une tentative d’appréhender par-delà l’objet la complexité du monde et des rapports entre les hommes dans un espace spirituellement saturé. Il s’agit là d’aborder des mondes tels qu’ils sont, véhiculant leurs valeurs philosophiques, sociologiques, politiques, culturelles ou cultuelles et de métisser notre regard tant que de mixer, détourner les objets trouvés. L’entreprise est salutaire au-delà de toutes les contradictions, l’œuvre comme une essentielle Vanité, déstabilisant nos certitudes, le jeu et la magie opérants de façon critique, désacralisante, poétique, distanciée, là où l’imagerie fait image, où l’image recrée un monde, le monde.

 

 

 

« Johan Muyle. Plus d’opium pour le peuple. » BPS22, espace de création contemporaine, 22 bd Solvay, à Charleroi, jusqu’au 5 novembre. Renseignements : 071.27.29.71.
Simultanément Johan Muyle expose à la galerie Jacques Cerami jusqu’au 7 octobre à Couillet, route de Philippeville 346. « From Wallonie with love » rassemble des œuvres de Richard Baquié, Guillaume Bijl, Dirk Claessen, Patrick Guns, Johan Muyle, Charlemagne Palestine et Patrick Van Caeckenbergh. Renseignements : 071.36.00.65.

 

image : Johan Muyle, Arcadia, vue de l’installation

paru dans H.ART, septembre 2006

« After Cage », ambitieuse opération d’échanges entre 24 institutions muséales de l’Euregio Meuse- Rhin, initiée par quatre centres d’art contemporains, le NAK d’Aix-la-Chapelle, Marres à Maastricht, Espace 251 Nord à Liège et Z33 à Hasselt était sur papier et à l’heure de toutes réflexions warburgiennes, aussi enthousiasmante que riche de perspectives. Il faut bien constater que sur le terrain la réalité est plutôt décevante, mis à part quelques prolongements et une contre-proposition qui sous forme de « potlatch et gambit » tient d’une très belle découverte.

Rassembler des œuvres, des objets, des documents de vingt-quatre institutions muséales situées dans les quatre régions qui constituent l’Euregio Meuse- Rhin, les mettre ensuite en mouvement et les redistribuer en quatre entités pour quatre expositions complémentaires : cette idée transfrontalière souhaitée depuis longtemps était plus que prometteuse. C’était l’occasion de réfléchir un patrimoine artistique, technique, scientifique, historique et populaire de très haute qualité tout en sondant les relations de voisinage de quatre régions frontalières dont l’histoire commune ou les histoires singulières ont été, dans bien des domaines, particulièrement fécondes. Sonder ce qui appartient peut-être à un patrimoine commun, discerner les singularités, tisser des liens d’échanges tant symboliques que scientifiques entre ces institutions muséales, créer une mise en réseau, bref engager un processus de compréhension commune, tout cela, tant par la méthode que par les dispositifs à mettre en place, avait une saveur d’intelligence et un potentiel d’émotions garanti
La méthode choisie est, en effet, tout aussi passionnante, puisque les initiateurs du projet ont décidé de se référer au Rolywholyover. A Circus de John Cage, projet complexe présenté au MOCA de Los Angeles en 1993. Appliquant ses méthodes de compositions musicales à l’organisation d’une exposition, John Cage y répartissait les multiples éléments de son projet selon les principes aléatoires qui régissent sa musique depuis les années 50. L’exposition comportait des œuvres d’artistes qui l’ont inspiré, des objets empruntés à des musées locaux ainsi qu’une sélection de ses propres tableaux, estampes, partitions et objets quotidiens auxquels il accordait une importance particulière. Pour Cage, l’idée consistait à créer une exposition en perpétuel mouvement de telle sorte que le visiteur ne la reconnaisse pas d’une visite à l’autre. « After Cage » s’est donc appuyé sur le même processus. 480 œuvres, objets, documents ont été sélectionnés dans les vingt-quatre musées concernés, répartis ensuite entre les quatre lieux de destination par un générateur de nombres aléatoires.
Enfin, l’option de constituer quatre « cabinets de curiosités » avait toute sa pertinence : d’une part, la formule résout une problématique très pratique, celle de l’éclectisme des collections concernées, d’autre part, elle développe un dispositif stimulant la pensée, suscitant l’émerveillement, haute tradition des XVIe et XVIIe siècles, largement revisitée par un XXe siècle qui développa accumulations, collages, rapports associatifs, ready-made ou storage. À l’heure où l’on redécouvre tout l’à-propos de l’œuvre iconologique d’Aby Warburg, cette histoire de l’art et de la pensée en mouvement, l’initiative s’inscrivait bien plus que dans l’air du temps.

Le sens implicite ?

Est-ce au niveau de la sélection des œuvres ? Est-ce une dichotomie trop grande entre le discours théorique et son application ? Un coup de dé n’abolit jamais le hasard, écrivait Mallarmé. Et dans le cas d’ « After Cage » le hasard n’est pas seul en cause: le résultat global des quatre expositions est assez décevant, comme si les initiateurs du projet avaient tout attendu du sens implicite qui se dégagerait de ce large brassage associatif. S’il y a assurément des œuvres de haute valeur symbolique qui circulent, elles sont rares en regard de l’extraordinaire patrimoine eurégional. Il ne suffit pas de juxtaposer un reliquaire baroque provenant de Saint Trond, une affiche du musée du genièvre d’Hasselt, une boîte ancienne de crème Nivea du musée industriel de Rhénanie et une sculpture du Centre africain de Cadier en Keer pour faire sens. La sélection des 480 artefacts n’a visiblement pas procédé d’une réflexion majeure, comme si le jeu de hasard prévalait sur la pertinence des choix, comme si tout allait indiscutablement s’éclairer de soi. N’est pas John Cage qui veut.
Passons sur le Cabinet du musée Suermont-Ludwig d’Aix-la-Chapelle. Il frise la présentation de brocanteur de manière encore plus flagrante dès le moment où l’on considère la richesse des collections permanentes du musée. Passons également sur le dispositif mis en place à Marres à Maastricht, mise en scène parfaitement gratuite maquillée d’un surplus théorique inutile : la référence à une œuvre de Robert Morris et l’autorisation qui est donnée au public d’intervenir dans le dispositif. C’est là une occasion manquée alors que le centre d’art contemporain de Maastricht initie depuis un an une réflexion sur l’idée de collection.
Les deux contributions belges tirent, chacune à leur manière, leur épingle du jeu. Le Z33 d’Hasselt a fait appel entre autres au compositeur et musicien Guy De Bièvre, à l’essayiste Eric Spinoy ou aux artistes Johan Van Geluwe, Kristofer Paetau et Ondrej Brody : on parcourra ainsi pas moins de huit cabinets de curiosités conçus par autant de créateurs- commissaires et qui s’apparentent donc à des installations à part entière. C’est là une autre donnée bien établie des pratiques contemporaines, celle où l’artiste se substitue avec sa propre sensibilité au conservateur de musée. À Liège, enfin, le Mamac propose plusieurs prolongements à son Cabinet, renommé Le Cirque pour l’occasion, et qui a au moins l’avantage de laisser respirer documents, œuvres et artefacts. Laurent Jacob y a en effet rassemblé, en marge de cette collection eurégionale temporaire, les archives du projet « Commemor » de Robert Filliou qui, « contribution à l’art de la paix », proposait en 1970 d’échanger entre Maastricht, Aix et Liège, les monuments aux morts des deux Grandes Guerres, afin, entre autres, « de rappeler aux générations futures la futilité et l’obscénité meurtrière de tous les nationalismes ». Une façon opportune de nourrir le projet eurégional d’une perspective artistique et sociopolitique. L’Euregio, déjà en 1970, se construisait, sur mode philosophique et poétique.

Je te donne, tu me donnes…

La réelle surprise vient d’un second cabinet de curiosité conçu à Liège par Laurent Jacob. Son titre, « Potlatch et Gambit » évoque parfaitement, sous couvert ésotérique, la prise de position de cette initiative par rapport à la mécanique d’ « After Cage ». Le potlatch, dans le monde amérindien est un système de dons et de contre dons, dispendieux et fastueux ; le gambit, une ouverture tranchante sur l’échiquier, qui consiste à sacrifier une pièce pour développer son jeu de façon incisive. C’est tout dire.
Investissant le superbe musée d’Ansembourg, demeure patricienne du XVIIIe siècle, Laurent Jacob a joué la carte de l’orthodoxie, transformant l’ensemble du musée dans la plus pure tradition des Cabinets de curiosités baroques, lieu de conservation, de découverte et d’étude des secrets intimes de la nature en ce qu’elle propose de plus fantastique et des réalisations du génie humain. Naturalia, exotica, artificalia, l’exposition se calque sur cette haute tradition et développe une série de thématiques propres au Cabinet du Curieux et de l’Amateur qui certes ne fera pas l’inventaire du monde –ce qui est propre au XVIIIe siècle encyclopédiste, mais cherchera dans le mystère des objets collectés ou la qualité des artefacts rassemblés à nourrir son imaginaire, à percer les secrets de la connaissance, à apprécier l’inventivité et la créativité du génie humain. Et c’est là que réside la contre-proposition de ce potlatch. Un amateur choisit même lorsqu’il vagabonde au hasard et Laurent Jacob a mené une prospection minutieuse dans les réserves des musées, institutions et collections privées de la région liégeoise, y dénichant des œuvres d’ art, des objets remarquables, étonnants, singuliers. La démonstration est magistrale quant à la richesse des collections liégeoises, tandis que Laurent Jacob opte résolument pour un sens universel. Quant à l’aspect contemporain, il ne tient pas ici à la méthode, mais bien aux œuvres puisque le concepteur de l’exposition a choisi d’amplifier le propos, en confrontant les travaux d’une cinquantaine d’artistes modernes et actuels à ces œuvres du passé tissant ainsi des mises en perspectives associatives, construisant ce Cabinet autour d’une série de thématiques telles l’érotisme, l’africanisme, l’optique, la botanique, la zoologie, la magie et sorcellerie, l’alchimie, etc. Impossible bien sûr ici de détailler ce microcosme qui touche à l’univers. Notons juste qu’il nourrit l’imaginaire dans le même sens que ce que Laurent Jacob nommait déjà fin des années 80 l’Inimaginaire belge, ce qu’il développera plus tard d’une autre façon, autour des notions de centre et de périphérie. Sans doute la proposition est-elle très singulière, elle mérite en tout cas d’être réfléchie par un « after after Cage » plus que souhaitable.

 

After Cage : tous renseignements pratiques sur http://www.aftercage.net
Potlatch et Gambit : exposition en processus au musée d’Ansembourg à Liège jusqu’au 17 septembre. Art contemporain : Francis Alys, Michel Antaki, Marcel Berlanger, Jan Carlier, Jacques Charlier, Leo Copers, Michel Couturier, François Curlet, Ronald Dagonnier, Michaël Dans, Robert Devriendt, Messieurs Delmotte, Alain d’Hooghe, Eric Duyckaerts, Robert Filliou, Michel François, Robert Garcet, Pierre Gerard, Jef Geys, Jean-Marie Gheerardijn, Maria Gilissen, Ann Véronica Janssen, Babis Kandilaptis, Marin Kasimir, Suchan Kinoshita, Nicolas Kozakis, Jacques Lizene, Capitaine Lonchamps, Gyuri Macsai, Selçuk Mutlu, Johan Muyle, Nord Projet, Pe Four, Personal Cinema, Pol Pierart, Benoît Plateus, Patrick Regout, Benoît Roussel, Franck Scurti, Walter Swennen, Christophe Terlinden

image : Robert Gacet, Jean-Marie geerardhijn au musée d’Ansembourg à Liège

paru dans H.ART, juillet 2006

« Images publiques » est comme un calque artistique sur le plan directeur des nombreux chantiers de l’hyper-centre liégeois. La ville se cherche de nouvelles pulsations ; les artistes invités par Laurent Jacob, réagissent et réfléchissent le langage visuel urbain. C’est tout l’été ; et c’est la première édition d’une triennale liégeoise d’art public.

 

Laurent Jacob, directeur d’Espace 251 Nord et commissaire de cette exposition n’a pas choisi la voie la plus facile afin de répondre à la demande du pouvoir provincial d’organiser une manifestation d’art contemporain dans le tissu urbain de la cité ardente. Sa volonté a d’emblée été d’éviter le point de vue d’une simple ponctuation temporaire de l’espace public par une série d’intervention artistiques estivales. Et dès le départ de renverser la situation, comme, au Cadran, Michel François renverse la ville, celle de Mexico en l’occurrence, mais ce pourrait être celle de Liège, dans une perspective aussi efficace que judicieuse, nous laissant tête en l’air et tête en bas à la fois, au sommet du looping. L’image aérienne est monumentale, tissu urbain flottant, un effet d’annonce aux portes du centre ville, point névralgique du trafic, du propos, du projet, donnant à celui-ci sa dimension artistique et politique. Et à cette annonce en répond une autre, également signée Michel François, installée place du Marché entre Perron et Hôtel de Ville, image publique et performance participative, extrait du « Speaker’s corner project » de l’artiste. Un bloc de glace est installé en guise de tribune, invitation à chacun de s’y percher et d’y prendre la parole. Il y a urgence donc car les mots n’attendront pas le lendemain, précise l’affiche éditée par l’artiste, risque de pirouette garanti, miroir de la glace : s’il s’agit de renverser les situations, il s’agira aussi de prendre le risque d’en parler et d’échanger sans attendre, de discourir et d’initier un débat public, sur l’art, sur la ville, sur la chose publique et son image.

Un vaste chantier

Premier retournement de situation, « Images publiques » ne s’est pas d’abord fondé sur un rapport à l’art, mais bien premièrement sur un rapport à la ville, à ses polarisations, ses lancinances, ses pulsations, ses mutations, ses problématiques. La ville de Liège, au cœur de l’Euregio Rhin-Meuse est en pleine mutation et cherche de nouvelles pistes à son redéploiement économique, jouant la carte d’une ville plus tertiaire tout en consolidant et réorientant les entreprises existantes, visant des activités basées sur la logistique, le transport et les transhumances, les hautes technologies, l’accueil et la valorisation patrimoniale qui va de pair. Ces perspectives font de Liège un vaste chantier dont l’image polarisante est aujourd’hui sans conteste la future gare des Guillemins, projet confié à l’architecte espagnol Santiago Calatrava, auteur des gares de Lisbonne et de Zurich, du cinéma sphérique de Valence, de la tour Montjuic de Barcelone ou du stade olympique d’Athènes. Mais cette surprenante construction qui épouse la colline de Cointe et qui transformera tout un quartier de la ville n’est de loin pas le seul projet urbanistique en cours. “Images publiques” pointe une série de chantiers du centre-ville, îlot saint Michel, place Saint-Étienne, extension du palais de Justice et gare de Liège-palais, de lieux en déshérence, du Cadran au Tivoli, de projets publics ou privés, rénovations de l’ancien siège du Journal La Meuse, des bains de la Sauvenière, d’hôtels particuliers, tout ceci doublé d’un programme culturel important, du Grand Curtius, futur mégamusée, au bâtiment de “l’Emulation” confié à Pierre Hebbelinck afin d’y transférer le théâtre de la Place, de la rénovation imminente de l’Opéra à la construction d’un futur complexe de cinéma indépendant de la grande distribution filmique, initié par les Grignoux. C’est donc d’abord une sorte d’état des lieux qui est dressé, un état des lieux en plein questionnement, des hypothèses de nouveaux maillages urbains, de fonctions et symboles redéfinis ou en manque d’identification.
En fait ce sont les chantiers de la ville qu’ « images publiques » propose d’abord aux visiteurs, comme l’a fait Laurent Jacob aux artistes, leur proposant de réfléchir ces diverses problématiques, ces nœuds névralgiques. La méthode consiste donc à superposer deux calques sur un plan directeur et à se demander pourquoi faire image avant de se poser la question du comment. « Images publique » prend le parti de réfléchir le lieu d’intégration de l’œuvre d’art plutôt que d’envisager l’adéquation d’un site à une œuvre existante, et ceci suivant un protocole défini, consistant à rivaliser avec les images que véhiculent la ville à l’aide des mêmes outils, du même langage. Toutes les interventions, en effet, utilisent le même langage urbain, celui des bâches et billboards, de la signalétique et des bornes interactives, du collage et de l’affichage, du sticker ou de la peinture murale, du calicot à la pièce sonore, posant par là, à tous les niveaux la question de l’image urbaine, la question de l’image publique. Le point de vue est pertinent, original et participe ainsi à redéfinir la notion même de ce qu’on nomme « art public », trop souvent encore de nos jours appréhendé par le politique comme un simple pot de fleur qui exalte la vie ou comme objet de consumérisme touristico-culturel. Comme elle permet, aussi, de mieux appréhender le langage visuel urbain. Intéressant, par exemple, de voir les ombres noires de Michel Couturier rivaliser avec les tags sauvages ou l’affichage publicitaire dans des lieux de déshérence. Ses ombres de passants, inspirées des ombres d’Hiroshima, pointent le vide urbain, la friche, la saignée ou la mémoire lorsqu’elles animent les façades classées ou les remparts de la citadelle. Exemplaire est la contribution de Marcel Berlanger : sa bâche peinte, un portrait d’une Cécile de France criblée de ciel est parfaitement ambigu, flottant sous la verrière d’une galerie commerciale, lieu essentiellement dédié à la mode, à la grande distribution.

Lire la cité

Ce rapport à l’identification, à la fonction, à la lecture de la cité est une constante dans les interventions proposées. Nicolas Kozakis impose une monumentale et inaccessible tache noire à la tour de la cité administrative de la ville, comme une tache de Rorchat, ou un tatoo géant, ou un plan de ville. L’image provient en fait d’une icône orthodoxe, champ d’investigation privilégié de l’artiste, et représente le plan de la grotte de la Nativité. Il est vrai que c’est en cette tour que se dénombrent naissances et décès dans la cité. Pascale Marthine Tayou, quant à lui, fait flotter ses drapeaux sur la façade de l’hôtel de Ville, interrogeant par là la multiculturalité de la cité. L’hyper centre liégeois est devenu troisième pôle belge de commerce et de distribution, après la rue Neuve bruxelloise et le Meir anversois : les bannières de Gyuri Mascai à l’entrée de l’îlot St Michel ou, surtout l’intervention d’Emilio Lopez-Menchero s’y réfèrent. Lopez-Menchero pose comme une bouche son calicot « certains l’aiment chaud » sur la bouche du tunnel de la gare routière de la place St Lambert, slogan séducteur, cinématographique, collectif donc, inattendu et énigmatique, comme s’il était sexy de consommer, tandis que la ville se veut attrayante. Frisson garanti pour le chaland qui passera par-dessus les bouches d’aération au sol de la place Saint-Lambert d’où surgit la voix chaude et sensuelle de Marilyne. Poo poo bee doo. Isabelle Arthuis et Marin Kasimir s’en prennent quant à eux à l’image patrimoniale par excellence, les façades ou colonnades du palais des Princes-Evêques. La première rythme la façade néo-gothique de l’édifice, comme en triptyques, d’images du monde et d’extraits de la chute des anges rebelles de Breughel. Le second enroule littéralement ses panoramiques à 360 degrés autour des colonnes de la cour du palais, anamorphoses carnavalesques et bestiaire humain de l’étrange répondant aux décors de l’architecture, comme un Eloge de la folie contemporain d’Erhard de la Marck d’ailleurs, grand bâtisseur du palais. Échelle et distances historiques. On pourrait poursuivre l’analyse œuvre par œuvre. Notons toutefois les participations de Guilaume Bijl et de Jef Geys qui abordent tous les deux
les valeurs d’échanges sociopolitiques. Si le premier vante ave ironie la culture touristico-populaire flamande, par une fête breughelienne et le renvoi à une imaginaire adresse Internet, affichage voisinant le comptoir touristique du pays de Liège, le second, avec l’efficacité qu’on lui connaît, installe une « Ambassade van Vlanderen » derrière l’austère façade d’un restaurant à la mode.
De Kendell Geers, à Johan Muyle, de François Curlet à Christophe Terlinden, ils sont plus d’une vingtaine à occuper la ville, mais seront rejoints par d’autres au fil de l’été. Le projet est en processus, évolutif, prévoyant d’autres œuvres qui se glisseront dans le dispositif mis en place, entre autres, un journal mural qui rassemblera un bon nombre d’associations, journal initié par Oliviero Toscani.

 

Jusqu’au 17 septembre. Informations : http://www.e2n.be
Dépliants à la maison du tourisme, place Saint Lambert

les images : Marcel Berlanger, Cécile de France – Emilio Lopez-Menchero, Certains l’aiment chaud

paru dans H.ART juin 2006

Ce sont quatre typologies des années 60 et 70 qui constituent l’exposition que consacre le musée des arts contemporains à l’œuvre des photographes Bernd et Hilla Becher, chefs de file du courant documentaire allemand. Évocation de ces sculptures anonymes et de ces typologies anciennes en compagnie de la commissaire de l’exposition, Manette Repriels.

Manette Repriels, ont le sait, a défendu l’œuvre de Bernd et Hilla Becher avec une foi peu commune. La rencontre de Sonnabend qui montrait leurs travaux depuis 1972 à New York, celle de Konrad Fischer à Düsseldorf qui la mit en relation avec le couple d’artistes, celle enfin – tout à fait par hasard – d’Hilla Becher un matin dans un compartiment de train entre Liège et Paris, tout cela concourût à une longue aventure commune qui trouve aujourd’hui un bel aboutissement en cette exposition qu’organise le Mac’s, musées des arts contemporains au Grand Hornu, comme le retour aux sources d’un parcours tant personnel que professionnel dont la directrice de la galerie Vega parle avec chaleur. « En fait, c’était une chance, rappelle-t-elle, que de pouvoir tenir le parapluie pendant une longue séance de prise de vue sous la pluie… Ou de pouvoir leur signaler l’existence d’un château d’eau, d’une belle-fleur qu’ils n’avaient pas répertorié… Les Becher circulaient dans une camionnette rouge, échelles sur le toit ; ils y dormaient, y mangeaient. On est loin d’une image mythique… Je les ai vus avoir une patience infinie durant les prises de vue, attendre la juste lumière, chercher l’angle le plus adéquat ainsi que leur découragement parfois lorsqu’ils ne rencontraient pas ces strictes conditions nécessaires à leur projet… Écouter Bernd parler de ses étudiants de la Kunstakademie de Düsseldorf, à l’époque Candida Höfer, Thomas Ruff, Thomas Struth, Andreas Gursky, -ce dernier était un vrai séducteur- était un vrai régal… » Les anecdotes que livre Manette Repriels sont nombreuses, illustrant tant des aspects fort quotidiens que la scène la plus progressiste de l’art durant les années 70 ; elles témoignent d’un indéfectible attachement tant aux Becher qu’à leur œuvre,
L’actuelle exposition regroupe des œuvres que Manette Repriels montra dès 1981 non en sa galerie, mais en l’église Saint André à Liège, sous le titre de « patrimoine industriel », un remarquable ensemble que Bern et Hilla Becher avaient exposé quatre ans auparavant à la quatorzième biennale de Sao Paulo en 1977 dans « Typologien industrieller Bauten 1963-1975 ». Cette série de 162 panneaux de neuf photographies chacun qui ne pouvait qu’intéresser Laurent Busine qui insiste tant sur l’aspect fondateur de ces séries que sur le fait qu’elles sont témoignages précieux d’espaces et de paysages disparus, que ces typologies de l’architecture industrielle du XXe siècle documentent un paysage en mutation et finalement transformé. Une double raison de les exposer, tant par rapport au site que le musée occupe et avec lequel ces séries de photographies dialogueront de façon quasi familière que par la mémoire d’architectures qu’elles véhiculent, deux thématiques priviégiées dans l’approche artistique que mène le musée.
Wassertürme (châteaux d’eaux), Gasbehälter (gazomètres), Kühltürme (tours de refroidissement) et Fördertürm (puits de mine) constituent quatre typologies singulières de bâtiments industriels, présentées et classées en planches de neuf clichés chacune, rigoureusement identiques, suivant un protocole strict neutralisant l’objet photographié, excluant tout élément spontané, ce qui permet de discerner mieux encore les caractéristiques fondamentales de chaque bâti. Et ce sont là quatre typologies parmi les plus essentielles dans leur œuvre, parmi les premières que le couple de photographes a abordées.
Immuable dispositif, démarche sans cesse répétée, adoption du même point de vue sur l’objet, ciels saisis dans la plus grande neutralité possible, grande profondeur de champs obtenue par l’utilisation d’un film peu sensible, nécessitant de longs temps de pose, c’est là déjà que se trouvent les fondements de ce qui transcende l’aspect encyclopédique et documentaire de cet oeuvre monumental (16.000 clichés aujourd’hui). Ce sont ces invariants qui permettent finalement de s’en dégager tant ils sont paradoxalement présents, qui rédiment l’aspect rébarbatif de ces architectures d’ingénieurs qui semblent conçues sans souci ou intention esthétique. Elles sont sous l’oeil des Becher, comme autant de “sculptures anonymes”, pour reprendre le titre de leur premier ouvrage, attitude qui leur valut en 1991 d’obtenir le lion d’or de … sculpture à la biennale de Venise et non un prix de photographie. Bernd et Hilla Becher déclarent que ces châteaux d’eau, ces silos à charbon, ces chevalements de mines sont comme “des anatomies comparatives appliqués aux vestiges industriels, inspirées de l’esprit de classification encyclopédique”. Humilité de leur part, alors qu’ils produisent une oeuvre conceptuelle opiniâtre, parfaitement aboutie, image de l’activité humaine, paysages en deshérence, oeuvre que d’aucuns ont perçue comme profondemment mélancolique mais qui sondent la complexité du réel, un seul tableau qui finit par exister en tant qu’image, en tant qu’abstraction. Nous proposant de vertigineux allers-retours, dès le moment où l’on considère chaque detail et l’ensemble de l’oeuvre.

Au Grand Hornu, musée des Arts contemporains, Bernd et Hilla Becher : Typologies anciennes, jusqu’au 3 septembre. Concuremment, le musée consacre une exposition à F.Masereel : Route des homes.

image: Bernd et Hilla Becher Fördertürm

paru dans H.ART, juin 2006

Jacques Lizène, depuis 1961, collectionne virtuellement. Une collection qui participe pleinement de son œuvre et témoigne de cette abolition de l’idée de jugement qui lui est chère. Visite guidée.

Petit maître, Jacques Lizène, a entrepris, écrivait Arnaud Labelle-Rojoux, de mettre dans l’embarras tout discours critique fondé sur le jugement et de renverser (comme on retourne un sablier) le système des valeurs attaché à l’art, rendant justice à cette part maudite que représente la médiocrité. Cela traduit, ajoute-t-il, bien autre chose qu’une mise en cause polémique de la critique : il s’agit d’une vision du monde, d’une façon d’être et de vivre ». Lizène qui manie l’auto-historicité de son œuvre de remake en remake, est également un immense amateur d’art comme il se plait à le dire, n’hésitant pas à se présenter, avec une certaine facétie qui lui sied bien, comme collectionneur autant que comme artiste (médiocre) auprès des quidams qu’ils croisent au fil des mondanités culturelles et artistiques. Lizène collectionneur ? À la question de ce que sont ses dernières acquisitions, il répond sans hésiter : « J’ai récemment acquis, par téléphone et alors qu’on me le décrivait, un tableau métamorphique de Picasso conservé dans un musée berlinois, une œuvre de l’artiste japonaise Suchan Kinoshita, un piano droit dont il manque la moitié du clavier et qui est un hommage au philosophe F. Nietzsche. Mais je ne l’ai pas acquis dans l’état où il est ; j’ai plutôt choisi la version blanc ivoire, à queue, de Yamaha. Je viens tout juste d’acquérir une œuvre du jeune Olivier Foulon, et par la même occasion, l’Atelier de Courbet et l’Enseigne de Gersaint de Watteau. »

On l’aura compris : la collection lizénienne tient de l’attitude et du discours, de l’appropriation et participe entièrement de la façon dont il élabore son œuvre. « C’est en 1958, explique-t-il, que mon frère trouve un livre de Sacha Guitry, publié, si mes souvenirs sont bons, avant guerre et qui illustrait des œuvres d’art que Sacha Guitry ne pouvait acquérir mais qu’il appréciait particulièrement. Je ne me souviens pas du titre de l’ouvrage ; ce n’était ni « collection virtuelle », ni « musée imaginaire » pour paraphraser Malraux. J’ai fait de même et ma démarche est devenue volontaire dès 1961. Je me suis mis à constituer une collection que j’appelais mentale. J’ai changé cette dénomination dans le courant des années 80 dès le moment où l’on a plus généralement parlé de virtualité. En fait, j’ai rafraîchi l’entrée du musée en changeant son appellation. Dans chaque exposition où j’entrais, même une exposition de croûtes, j’ai toujours choisi ce que je considérais comme la meilleure œuvre. Je me souviens ainsi avoir acquis à Hastière une toile d’un peintre amateur qui peignait des cailloux. J’ai acquis la plus sobre : crac, elle est entrée dans ma collection virtuelle. J’ai aussi constitué une section du musée comme celle des « moins bonnes œuvres », enfin celles que je considérais comme telles… Ce qui m’intéressait surtout c’était de dénommer la salle du musée comme celle des moins bonnes œuvres, là entre deux neurones au carrefour d’une synapse, à cet endroit où les neurones ne se touchent pas mais où l’électricité passe. Ma collection est monumentale. Et il y a des œuvres monumentales, les dimensions du musée sont évidemment variables. Il y a des salles de mon musée virtuel qui ont la dimension de la Sixtine, bien que je n’aie pas acquis la Sixtine. J’ai préféré les sculptures inachevées de Michel-Ange, tout comme ses dessins de dos et de cuisses d’hommes. Là, il excelle. Je les ai placés juste à côté de toiles de Bacon qui d’ailleurs collectionnait des reproductions de dessins d’hommes de Michel-Ange. C’est donc une collection extrêmement large où l’on croise des artistes de toutes les époques, des artistes amateurs ou même les œuvres de certains qui prétendent ne pas être artistes. Je possède ainsi une phrase de Michel Antaki, phrase que j’ai d’ailleurs introduite dans mon film « un certain art belge, une certaine forme d’humour », 1992-93 : « J ‘ai pleuré avant de parler ». Ses petites phrases sont comme des haïkus. Il m’arrive d’acquérir toute l’œuvre d’un artiste. Ou d’acquérir des œuvres que les artistes n’ont pas encore conçues. Ainsi du Capitaine Lonchamps, j’ai une vedette de guerre, genre torpilleur, mais noire évidemment, grandeur nature et couverte de neige. Elle flotte dans l’espace de mon musée virtuel. J’aime d’ailleurs mettre les œuvres en suspension dans mes accrochages. Par exemple « le château des Pyrénées » de Magritte – je possède bien évidemment toute l’œuvre magritienne – ou toute l’oeuvre de Panamarenko qui justement projetait de construire un moteur antigravitationnel. De Panamarenko, j’ai même acquis le fait qu’il ait déclaré arrêter son œuvre dès sa rétrospective au musée de Bruxelles. »

 

Cette générosité lizenienne qui lui fait collectionner croûtes et chefs d’œuvres ou même tout ce qui lui permet de rebondir (je collectionne les anecdotes dit-il en guise d’anecdote) tient en effet à une attitude : « J’apprécie tous les artistes, dit-il. Ce qui est bien dans l’art, c’est la diversité. Le système de l’art imite le système de la vie, mais avec la différence qu’en art, il n’y a pas d’erreur, où si vous voulez, même l’erreur est une réussite. On peut faire quelque chose d’abominable en art, cela ne nuit à personne, sinon un peu à l’artiste lui-même, et encore ». C’est là, rejoindre –ce que Lizène a fait depuis le début des années 70-, la position duchampienne qui constitue à abolir la notion de jugement.

 

Un film a été consacré par Isabelle Arthuis et Erwan Mahéo à la collection virtuelle de Jacques Lizène. « Le film, précise Jacques Lizène, s’est fait très vite, à un moment où je pensais d’ailleurs vendre ma collection virtuelle ». En un long monologue qui s’apparente à une visite virtuelle du musée virtuel, l’artiste accompagne le visiteur lui présentant, en situation, les œuvres de la collection, de Picasso à Piero della Francesca, de Chardin à Charlier, de Ben à Ensor, en passant par le marsupilami de Francquin, vraie sculpture génétique précise Lizène, l’œuvre sociale de Gaston Lagaffe, l’intégrale des œuvres perdues d’Alain d’Hooghe, dont la course cycliste pour l’art, la sculpture hindoue et ses triples flexions végétales ; il y évoque même la « salle des suicidés » où il conserve entre autres les peintures détruites dans l’incendie de l’atelier de Gorki. Pourquoi une salle des suicidés ? « À une certaine époque, j’ai rencontré Richard Tialans dont je ne savais pas encore qu’il était pataphysicien, mais qui était féru de littérature et qui a publié le théâtre de Filliou. Je lui au demandé de me conseiller des livres, mais uniquement d’écrivains suicidés ».

 

Le musée virtuel de Jacques Lizène participe de son œuvre, il serait même œuvre à part entière. « En fait, explique Lizène, il n’y a rien d’original à cela. Bon nombre de gens collectionnent virtuellement ; la différence, c’est que je le déclare et accorde des interviews sur le sujet ». Elle participe d’un système, dans lequel pourraient également s’inscrire les morcellements et lotissements de cimaise que Lizène pratique depuis 1975, fait de partager ses cimaises avec d’autres artistes, surtout s’ils ne sont pas invités à l’exposition, ou ses placards à tableaux, dans lesquels il lui arrive d’intégrer les tableaux d’autres artistes, ou certains films tel « Un certain art belge, une certaine forme d’humour », sorte de collection très belge mise en situation virtuelle. « Mon œuvre est une systématique, explique Lizène, une sorte de répétition à l’infini. En fait j’utilise la redondance, équivalent de la resucée, ce qui est d’un parfait mauvais goût. »
Y aurait-il des œuvres de Jacques Lizène dans la collection virtuelle de Jacques Lizène ? « Oui, oui, répond-il, mais pas toutes… J’en ai laissé quelques-unes pour les autres ».

 

image : Jacques Lizène, placard à tableaux

 

Paru dans H.ART, mai 2006

 

À l’occasion de la présidence européenne de l’Autriche, l’IKOB à Eupen se décentre sur la mitteleuropa, la scène viennoise et autrichienne. « Österreichische Kunst am oberen Tassenrand” sonde l’humain en deux générations d’artistes.

Les deux œuvres sont, dos-à-dos, comme un face à face. D’une part, un jeune homme accroupi dans l’attitude du (bon) sauvage, polychrome, nu, taillé dans un tronc d’arbre, et sortant tel un (bon) génie d’un cabas à provisions. La sculpture est l’œuvre d’une jeune artiste viennoise, Karin Frank. Et le cartel nous apprend que ce jeune homme souriant figure Egon Schiele lui-même, taillé dans le bois. On sourit en repensant au «Holzfällen » de Thomas Bernhard. De l’autre, “la chambre d’amis pour Victor Servranckx” d’Oswald Oberhuber,
produite en 1986 pour “Chambres d’amis” à Gand, table, tabourets, dessins, ampoule électrique pendouillant à hauteur de sexe (à hauteur de celui du Schiele de Karin Frank d’ailleurs comme de celui qui s’accoude à la table) et tasse de café en porcelaine. Café crème des cafés viennois, de l’abondance et de la surabondance : on sourit en repensant au Café museum et à tous ces cafés littéraires, qui ont fait et font encore la vie intellectuelle de la capitale autrichienne.
Le propos de l’exposition qu’organise Francis Feidler à l’IKOB d’Eupen est là, entre deux générations d’artistes, quelques figures tutélaires, une façon très singulière d’appréhender l’humain et cet équilibre flottant, mousseux, précaire de la crème surnageant, telle une île, le café noir, au risque de tous les débordements dès la moindre secousse. Ce que Francis Feidler appelle « «un intermezzo de liquides polarisants ». Cet intermezzo est l’image de la scène artistique autrichienne, à l’image de Vienne également.
À Bruxelles, Dieter Ronte, dans une exposition controversée –et même censurée- au Palais des Beaux-Arts en avait souligné le caractère, confrontant Hermann Nitsch à Franz Xaver Messerschmidt. Harald Szemann quelques années plus tard en a souligné le côté visionnaire : Vienne est sans doute la quintessence du contraste, entre conformisme et modernité. Vienne la rouge et Vienne la noire, théâtre de l’engagement des actionnistes face à l’écologisme baroque et bon teint à la fois d’Hundertwasser, Vienne incarne les oppositions les plus vives, de la radicale Sécession au refus véhément des projets urbanistiques d’Hans Hollein. Vienne où l’on croisa un archevêque défendant les artistes les plus engagés contre le conformisme catholique, une ville où le paradoxe d’un crépuscule dès l’aube, pour paraphraser Arthur Schnitzler, n’a rien d’impossible, tandis que continue à tourner la grande roue du Prater.
Et l’exposition regroupe bien évidemment des œuvres de Nitsch – ses reliquats de performances actionnistes, ce théâtre des orgies et des mystères- comme des dessins de Günter Brus ou un très bel ensemble de portraits de Van Gogh par Arnulf Rainer. L’humain, trop humain, tellement présent aussi dans les « passstücke » de Franz West qui partage avec les derniers cités cette conscience et redécouverte du corps, mais qui usant de l’image de la prothèse, change les frontières du corps et l’appréhension de l’espace, remettant en question le corps du spectateur lui-même plutôt que le sien.
C’est en en fait le dialogue entre deux générations qui domine cette exposition aux œuvres choisies avec justesse, tant en Begique qu’en Autriche. Comment des artistes comme Erwin Wurm, Elke Krystufek ou ManfreDu Schu ont à la fois contribué à cette tradition expressive du corps tout en lui donnant d’autres accents, jusqu’à la dédramatisation dans le cas de Wurm qui jouant de l’absurde, de l’incongru continue à interroger, mais sans pathos, la conscience et la représentation de soi, remettant en cause la figure de l’artiste. Ses « convertible fat cars » sont à l’image d’un débordement ludique tandis que ses « sculptures d’une minute » interrogent avec humour l’action en tant que performance ou la sculpture en tant que sentiment. Elke Krystufek utilise également le corps, le sien en l’occurrence, comme terrain d’expérimentation artistique privilégié, épuisant son corps par l’image, l’instrumentalisant par la marchandisation de son image dans un rapport intime, narcissique surévalué. Tout l’art de Krystufek est tourné sur elle-même. Montrer sa vie, ses partenaires, ses jeux sexuels, son sexe, son visage sous toutes ses formes est obsessionnel. L’image de soi devient une création artistique permanente et en mutation, tandis que les images aujourd’hui envahissent l’espace économique, social et culturel, le sexe visible et à portée de tous. Son travail est une sorte d’autoreprésentation continuelle., une hypertrophie du souci de soi. C’est dans le même ordre d’idée que l’exposition privilégie la vidéo performance dans l’œuvre de Manfredu Schu, philosophe, écrivain, performeur, sculpteur, peintre, musicien et compositeur formé auprès des … « Petits chanteurs de Vienne », mise en scène du soi thématisant des objets qui se perdent dans un oubli ornemental.
Par-delà, les générations, c’est une identité commune qui se dégage, réactualisée, vivant, un rapport au miroir en ce que l’humain a d’exacerbé, ce qu’il a de trop humain, de très humain. C’est avant tout cette phénoménologie du geste , un acte libre, générateur de sens, qui est en jeu, là où le déplacement des accents vint définitivement remplacer un concept statique de l’œuvre d’art, recouvrant la genèse, la situation, la conception de cette dernière, par une plasticité de la pensée et des gestes de performance.

Jusqu’au 18 juin, IKOB, In den Loten, 3, 4700 Eupen.

image : Karin Frank, Egon Schiele, bois polychrome, 2005

paru dans H.ART, avril 2006

Directeur général, à Mons, de l’Idea, intercommunale de développement économique et d’aménagement du territoire, Jean-François Escarmelle constitue, outre sa collection personnelle, une collection d’entreprise publique. C’est à la fois la quête d’un ailleurs lumineux et une volonté d’ouverture sur le monde. Fort de son expérience professionnelle et de cette passion pour l’art, il pose un regard critique, volontaire et optimiste sur les synergies qui existent entre conscience culturelle et créativité économique. Entretien pour un redéploiement.

 

– Jean-François Escarmelle, vous vous souvenez de vos premiers pas dans le monde de l’art ?
– Je suis né dans une famille gaumaise. Ma mère était fille d’agriculteurs et mon père instituteur. Il avait des amis peintres et achetait des tableaux, des peintres luxembourgeois comme Camille Barthelemy ou Marie Howet. Ceux-là du moins étaient les plus intéressants. Dès mon enfance, j’ai donc été sensibilisé à la peinture et lorsque suis arrivé à Mons pour suivre mes études universitaires, je me suis très spontanément retrouvé dans le petit milieu artistique montois. Je pense à Jean-Marie Mahieu ou à Christian Rolet que j’ai rencontrés à l’époque. Très vite j’ai fréquenté les galeries. Sans argent. J’allais galerie de la Paille à Bruxelles, chez Manette Repriels à Liège. Et j’ai commencé par acheter des multiples, Panamarenko entre autres. J’ai évidemment raté des opérations extraordinaires : je me souviens d’une magnifique aquarelle de David Hockney, vraiment pas chère, mais comme je n’avais pas les moyens… Peu à peu, j’ai pu investir un peu plus, mais je n’ai jamais collectionné avec un but spéculatif, uniquement par goût et par intérêt pour l’artiste dont j’acquérais les œuvres. J’ai eu la chance de voyager très jeune. À 19 ans, j’ai été travailler dans des champs de tabac au Canada. J’en ai profité pour descendre vers les Etats-Unis où j’ai visité les musées, motivé par une grande curiosité intellectuelle. Au fil d’une vie, les goûts évoluent bien sûr, mais j’ai toujours circulé avec ce même souci de curiosité. Et je n’ai pas arrêté d’acheter. Ma première oeuvre il y a trente ans, la plus récente il y a quinze jours. Tout s’empile chez moi, mais j’alterne les accrochages, je ressors d’anciennes pièces, que je redécouvre toujours avec le même plaisir.
– Circuler devait être une nécessité à l’époque. On ne peut pas dire que l’offre régionale en matière d’art soit d’une grande richesse…
– Le milieu montois est évidemment un tout petit milieu, trente personnes qui réfléchissent et qui sont, de ce fait, appelées à se rencontrer. J’ai ici deux bons amis que ce sont Jean-Marie Mahieu et bien sûr Laurent Busine. Il y a aussi Xavier Canonne, directeur du musée de la photographie, que je connais depuis longtemps, Pierre Olivier Rolin qui anime le BPS22 à Charleroi et que j’apprécie particulièrement. Récemment j’ai accepté de rentrer dans le conseil d’administration du Wiel’s, projet de centre d’art contemporain à Bruxelles. C’est un grand projet, dont la ville a besoin, un projet bicommunautaire, et il faut que les deux communautés y participent. Mais personnellement, je ne suis pas du genre à courir les vernissages. Je préfère acquérir des œuvres auprès des galeries, sans l’intermédiaire de l’artiste. Je participe peu aux mondanités de l’art contemporain. J’estime qu’on a d’abord une relation avec l’œuvre avant d’avoir une relation à l’artiste.
– Durant les années 80, vous avez eu des prises de positions essentielles quant au développement endogène et exogène d’une région, quant aux relations qu’entretiennent économie et culture en matière de développement. Vous aviez co-signé avec Laurent Busine une intervention remarquée lors d’un congrès en 1987 sur le futur de la Wallonie.
– La Belgique a connu l’un des plus importants développements économiques au monde durant la première moitié du vingtième siècle. Le pays a occupé la seconde place en la matière. Et c’est l’époque où nous avons eu le plus grand rayonnement scientifique et artistique. Il y a corrélation entre développement culturel et économique, c’est évident. La question est de savoir si c’est le développement économique qui, produisant de la richesse, génère un mécénat artistique ou si ce sont les prises de consciences culturelles qui se traduisent dans la créativité économique et industrielle. Je suis en tout cas persuadé qu’il y a de fortes synergies et interférences entre les deux. Regardez l’actuel développement économique de la Californie : il correspond à une délocalisation partielle de la vie artistique vers l’Ouest américain. Je suis persuadé que demain de très grands artistes viendront de Chine et que la Chine se dotera de musées, de biennales, de foires importantes. Mon métier consiste à animer le développement d’une région. Le « core business » est donc d’activer ce déploiement économique et celui-ci, à notre échelle, doit s’appuyer sur les forces qui existent, sur un développement endogène fondé sur les universités, les centres de recherche, une excellence, un savoir faire historique sectoriel. Mais c’est aussi aller chercher à l’extérieur ce qui nous manque dans la région. Je suis toujours satisfait lorsqu’une entreprise étrangère investit à Mons, parce que non seulement elle apporte du capital et crée de l’emploi, mais aussi parce qu’elle amène quelque chose d’autre en termes de culture d’entreprise et de travail. J’entendais Jean-Claude Daoust, président de la FEB, plaider pour le multiculturalisme dans les entreprises et je trouve qu’il a totalement raison. J’ai moi-même engagé pas mal de jeunes collaborateurs d’origine arabe ou africaine. C’est un devoir que nous avons vis-à-vis d’eux. C’est également l’intérêt des entreprises. Le multiculturalisme engendre une nouvelle créativité. Il est impératif donc non seulement de tabler sur les acquis et sur l’histoire, mais aussi de s’ouvrir sur le monde extérieur. Dans le domaine spécifique de la culture et de l’art, le chemin est encore long. Je vois encore trop de politiciens qui continuent à avoir de l’intérêt pour le seul peintre de natures mortes de leur village. Je suis ahuri de voir chez bon nombre des réflexes artistiques purement traditionnels. La bourgeoisie montoise conserve des œuvres d’Anto Carte ou d’Arsène Detry, des Devos, des Buisseret, mais on ne trouvera ni Magritte, ni Broodthaers et il est exceptionnel de croiser une pièce d’un artiste étranger.
Je crois que la Wallonie a encore un long chemin à parcourir, par exemple pour rattraper la Flandre. Celle-ci est un modèle d’encouragement au développement artistique. Elle soutient ses artistes, s’est dotée de musées, dispose de lieux d’expositions. Il y a des galeries, il y a des collectionneurs. En Wallonie, rien de tout ça. Deux galeries privées d’une part, le Mac’s à Hornu et le BPS22 à Charleroi de l’autre. Et c’est tout. Or il y a beaucoup d’artistes, jeunes ou moins jeunes, dont le travail est intéressant et qui finissent par bénéficier d’une plus grande visibilité au nord du pays. C’est le sens de mon engagement au Wiel’s : j’estime que les Wallons et les Francophones en général doivent être réactifs. Je m’efforce d’alerter le monde politique. Sans doute les moyens budgétaires ne sont-ils pas les mêmes, mais c’est un grand dessein pour Bruxelles, qui doit être une ville européenne, une ville d’ouverture. Les Communautés, le Fédéral doivent soutenir ce projet. Je reconnais qu’actuellement nous n’avons pas beaucoup de succès auprès des pouvoirs publics pas plus d’ailleurs auprès des grandes entreprises nationales qui restent actuellement sans réaction. C’est symptomatique et assez tragique. Dans le modèle nord américain, il n’y a pas une entreprise qui ne contribue pas au développement des sciences, des arts, qui n’investisse dans une cause philanthropique. Chez nous seul le sport intéresse les grandes entreprises.
-Serait-ce une différence de moyens mis en oeuvre entre le nord et le sud du pays ? ou une différence d’objectifs ?
– Il y a les deux. La Flandre a eu le grand courage de s’atteler à son « Kunstdecret ». Elle a mis de l’ordre dans ses affaires. En Communauté française, on n’en est pas là. Il y a un peu d’argent que l’on saupoudre à gauche et à droite, c’est le cas de le dire, suivant des critères subrégionaux, purement politiques et fort éloignés des critères de qualité artistique.
– Si vous deviez caractériser les grandes lignes de votre collection personnelle ?
– En fait, je me suis rendu compte que j’acquiers pas mal d’œuvres qui ont un rapport au voyage, à l’étranger, à l’exotisme, au multiculturalisme. Ce ne sont pas les seules, mais lorsque je réfléchis à mes motivations, ceci apparaît comme un fil conducteur. Je compense peut-être une sorte de frustration. Jeune, je voulais partir à l’étranger. Je n’ai pas pu le faire pour des raisons familiales. L’Afrique m’attire beaucoup. C’est ainsi que j’ai des œuvres d’Alighiero e Boetti, de Muswa kalanga, de Barthélemy Togo, de Serrano. Même certaines œuvres d’artistes européens sont empreintes de ce goût de l’évasion. Jean Le Gac par exemple. De Walter Swennen, j’ai une toile représentant un cactus dans un désert. C’est un axe qui correspond à un besoin physiologique : besoin de voir le ciel, besoin d’ailleurs, besoin de lumière. Jean-Marie Mahieu partage ce sentiment et le traduit dans sa peinture, cette façon d’évoquer une région anciennement riche et qui est devenue noire, avec cette recherche de lumière de l’orient. Mais je collectionne aussi bien d’autres choses, de Broodthaers à Streuli.
– C’est l’art pour luminothérapie ?
– Oui en quelque sorte. Les toiles de Mahieu témoignent de cette quête d’autre chose.
– Vous avez également donné un prolongement professionnel à cette aventure personnelle, puisque l’Idea, l’agence de développement économique que vous dirigez, collectionne également. C’est un prolongement logique à vos idées sur le développement, le redéploiement économique régional ?
– Je n’ai pas la prétention d’être donneur de leçon et j’élabore cette collection discrètement. Quiconque demande à la visiter est le bienvenu. J’assure les visites guidées moi-même.
Je constitue cette collection pour deux raisons. D’une part, l’Idea est une structure publique. Donc cette collection appartient à la collectivité, propriété d’une association de communes. Je l’ai fait aussi pour la qualité d’environnement du lieu de travail. C’est plus agréable que des murs ternes et des pots de fleurs. Et je mène le projet sans investissements très importants. L’Idea achète deux ou trois œuvres par an. La collection compte un peu moins de 80 œuvres. Elle n’est pas muséale, c’est une belle collection, sans plus. J’ai tenté d’acheter, avec quelques conseils d’amis, de bonnes pièces au bon moment. Günter Förg ou Thomas Ruff par exemple que je ne pourrais plus acquérir aujourd’hui. Au départ, le personnel s’est montré désarçonné. On a évidemment dit que c’était ma danseuse, on m’a aussi pris pour un fou. J’ai organisé des rencontres autour de la collection pour le personnel, dans certains cas avec la complicité de Laurent Busine. Aujourd’hui, je suis heureux de voir dans le journal d’entreprise que nous publions et dans lequel je n’interviens absolument pas, qu’il y a en chaque livraison deux pages sur les œuvres de la collection. Et ce sont des membres du personnel qui gèrent la rédaction : la collection est très bien intégrée dans la vie de l’entreprise. J’achète seul, en toute transparence. Et les œuvres sont activées au bilan de l’entreprise.
Le projet est différent de ma collection personnelle, il a sa singularité. J’essaie d’acquérir des œuvres qui ont un sens non seulement en fonction de l’activité de l’Idea mais aussi par rapport à la région. Voyez dans mon bureau : il y a une photo de Louis Jammes qui évoque directement l’émigration algérienne au travers du quartier de la Goutte d’Or à Paris. La Wallonie a connu une forte émigration. En face, un monochrome rouge de Marioni. Or notre région est historiquement fort rouge. Et également une photo de Mapplethorpe représentant dos-à-dos deux profils, un noir et un blanc : la problématique du racisme est fondamentale et je suis un fervent partisan du multiculturalisme. Si j’acquiers une œuvre de Michel Frère, c’est parce qu’il est d’origine hennuyère et parce que sa peinture matière fait référence à la terre, a nos paysages. Nous avons acquis une photo de Graigie Horsfield, un coron en Pologne. Ce pourrait être un coron de Wallonie. Il n’y a pas qu’en Wallonie qu’existent ces chancres d’un passé industriel révolu. Le ciel de Ruff, c’est l’évasion poétique à laquelle chacun aspire : aujourd’hui on travaille, hier on souffrait dans la mine, mais on regarde de temps en temps le ciel. C’est un moment d’évasion, une façon de se resituer par rapport au monde. Les œuvres d’Axel Hütte, ses paysages du pôle nord, c’est un dialogue avec la nature. Et sans vouloir faire de l’écologie à bon marché, je pense que nous avons aussi en Wallonie une nature à préserver. C’est fondamental dans notre travail puisque nous sommes en charge de l’assainissement de sites industriels. Il ne peut pas y avoir de redéploiement économique sans penser au corollaire poumon vert. Nous avons un grand panoramique de Felten-Massinger qui représente un bâtiment industriel en démolition. Il y a dans la collection un sens sociopolitique, même dans des œuvres abstraites comme ce monochrome de Marioni. Dans un lieu de travail, il est important d’ouvrir des fenêtres sur l’extérieur. Aligner des chiffres sur un ordinateur nécessite aussi de voir le ciel. C’est également susciter du rêve, de l’optimisme, de la poésie. Ou de l’humour. Dans le bureau de la directrice financière de l’Idea se trouve une œuvre de Jacques Charlier qui fait à la fois référence à un billet de banque, à Félicien Rops et à une partie de jambes en l’air. Dix ans plus tard, nous avons acquis une œuvre de Pascal Marthine Tayou, sur le même thème du billet de banque, mais africain cette fois. J’ai ainsi également associé l’américain James Casabere et le belge Philippe De Gobert qui, à des moments différents, dans des contextes différents, ont posé sur l’architecture des questions similaires, une autre de nos préoccupations.
À titre personnel, j’achète aussi beaucoup d’art populaire africain, des enseignes de magasins, des jouets d’enfants qu’il m’arrive d’accrocher avec des œuvres. Des amis ont cru récemment que je possédais une composition de Guillaume Bijl. En fait c’était l’une de mes combinaisons : quelques masques africains, la couverture du « pourquoi pas ? » dessinée par Ochs, datée de la semaine de l’indépendance du Congo et une gouache de Malcolm Morley. L’art, ce sont aussi des ponts entre les cultures. D’où mon intérêt pour William Kentridge, Kendell Geers, Barthélemy Togo, d’autres. Il est important de montrer ces artistes, qu’on perçoive leur vision du monde. Ne fût-ce que pour remettre en question notre propre conception du monde dont on n’a pas toujours à être très fier.
Un livre sur la collection Idea est en préparation, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’intercommunale. Une exposition aussi : elle regroupera, en juin, les œuvres photographiques de la collection au Musée de la photographie de Charleroi.

image : Pascal Martine Tayou, caisson lumineux

paru dans H.ART, mars 2006

“Il recentre la vision sur ce qui se passe, ici et maintenant, explorant inlassablement, l’immense étendue d’un quotidien, que nous croyons désert”, écrivait récemment Jacques Charlier à son sujet. “Pas besoin de mots, Sumkay photographie les instants de la vie et cela suffit pour la ressentir”, affirme pour sa part Ben Vautier. L’oeuvre photographique de Jim Sumkay, montrée en périphérie de la biennale de la photographie de Liège ce mois-ci, est incontestablement une perle à ne pas manquer. Elle se déguste comme les airelles, fraîche et immédiate.

Jim Sumkay
La biennale internationale de la photographie et des arts visuels de Liège qui se tient tout prochainement (1) aux quatre coins de la ville, déclinée en expositions officielles, périphériques, in et hors champ, historiques ou d’actualité en est à sa cinquième édition. Difficile certes de survoler d’un coup d’œil une quinzaine de manifestations et leurs activités connexes. Sur un canevas, désormais traditionnel, la biennale aborde la photographie au sens le plus large du terme, associe un très large collectif, se développe autour de plusieurs thématiques, alterne les hommages et les découvertes, aborde tant la photographie plasticienne que celle de reportage et s’articule sur l’invitation faite par ses promoteurs à un pays étranger, le Brésil en l’occurrence cette année. C’est là au moins où elle puise son envergure internationale. On notera une dimension très socio-politique, entre le travail monumental sur les dépôts d’immondices de Rio mené par Numo Rama, les protestations populaires abordées par Evandro Teixeira et Juca Martins, ou l’exposition centrale de la biennale, sorte de mise en perspective de la société brésilienne aujourd’hui. Celle-ci fait la part belle notamment au travers des images de Walter Firmo, Berna Reale, Joao Roberto Ripper ou Cascio Vasconcellos, aux thématiques d’identité, de résistance, de détention, de perception des grandes villes. On épinglera également la première rétrospective à l’œuvre d’Ana Regina Nogeira ainsi qu’une découverte singulière, celle des photographies du Belge Thomaz Farkas, qui durant les années 50 et 60 suivit, avec dès le départ une nette intention constructiviste, le chantier et l’inauguration de Brasilia.

L’assuétude au réel.

Face à ce vaste programme à découvrir, nous préférons mettre l’accent sur une exposition périphérique, dont le titre « Rue Carnaval » (2) est un prétexte d’à-propos non dépourvu de sens : la réjouissance païenne, la rue et sa théâtralité, la parade du quotidien citadin sont parmi les ferments de l’œuvre de Jim Sumkay, œuvre compulsive, qui jamais ne pourra s’assigner à une thématique, qui jamais ne se fige sur le seul papier glacé.
Sumkay, c’est l’assuétude au réel, une plongée immédiate et permanente dans ces petits riens qui fondent notre conscience du monde, où l’universel touche à la proximité, où la proximité concentre ces petits riens qui font tout un univers. La photographie, ici, est le résultat d’un vécu, d’une prise de risque, d’une disponibilité, d’une improvisation menée néanmoins avec rigueur, en fait d’une attitude ou même d’un protocole qui encadre le travail comme une sorte de règle du jeu.
Car tout procède d’une déambulation quotidienne, menée méthodiquement, une sorte de performance conduite au fil des jours. Jim Sumkay chaque matin quitte son domicile pour une déambulation parfaitement hasardeuse et instinctive. Une déambulation dans la ville au sens générique, donc de n ‘importe quelle ville. Ni déréliction ou perte de soi dans l’univers urbain, ni programmation. Il s’agit, en arpentant le réel, de se mettre à la disposition de ce qui est, sachant que rien n’est acquis, que tout est à gagner : ce qui est, ce qui sera prétexte à faire image, ce qui comblera le manque. Le but est de rentrer le soir riche d’une quinzaine de clichés qui seront –l’image en noir et blanc est numérique, non argentine- directement envoyés à une liste de diffusion via courriel et déposés, en archives quotidiennes, sur un site Internet. (3) Impressionnante régularité où la photographie est une sorte d’alibi à un partage immédiat. « Désamorcer la peur de l’étrange et de l’étranger », dit-il, « éprouver la prise de risque inévitable, avoir conscience que souvent le résultat est en rapport avec l’audace ». La pratique est ici forme de vie dans cette immense aspiration à ressentir la vie, en ce qu’elle a de discret, humble, incongru, décalé, déjanté, tendre, violent, corrosif, sans retenue, impudique. Nous sommes, devant les images de Sumkay, a l’opposé du trope du banal, précisément là où l’insignifiance prend toutes ses signifiances. Chaque image tue le monde pour faire naître l’image, car déclencher reste une décision, toutes les images reconstituent un monde, dans son intimité dérobée. « La photographie est alors plus intime qu’il n’y paraît, écrit-il encore. D’ailleurs, les images qui nous restent en mémoire sont celles qui cousinent avec notre inconscient profond qui anticipe : il est fréquent que des détails apparaissent à la seconde, voire à la troisième lecture’ . Les images de Sumkay, assurément, en méritent plus qu’une.

 

(1) du 19 février au 31 mars, divers lieux. Programme complet sur http://www.chiroux.be
(2) du 20 février au 17 mars, galerie Wittert, ULG, place du 20 août, WE exceptés
(3) http://www.museepla.ulg.ac.be/opera/sumkay/archives.html

image : Jim Sumkay, 28.09.05

paru dans H.ART, février 2006

Lors de la séance académique de la pose de la dernière pierre du Mac’s, musée des arts contemporains du Grand-Hornu, son directeur Laurent Busine faisait frémir l’assemblée déclarant d’emblée qu’il ne pouvait présager de la façon dont ses successeurs collectionneraient, encore moins de ce qui serait désormais conservés dans les réserves du musée. Devant un aréopage de ministres, hauts fonctionnaires, artistes et professionnels de l’art, cette perplexité avait quelque chose d’incongru, de paradoxal. Prudence extrême ? Provocation assénée sur ton feutré ? Pensez donc, nouvelle histoire belge, on avait pensé aux briques avant d’envisager le contenu, des briques fort bien dessinées par l’architecte, un bel écrin, une déambulation de choix, mais pour dès le lendemain y admirer quelles œuvres, pour y conserver quelle mémoire de l’art ?

Il est vrai que ces deux dernières décennies s’est tant et plus posée la question du musée, cet objet éminemment moderne devenu indissociable de l’idée même d’art actuel au tel point qu’il est parfois devenu inconcevable d’évoquer l’art sans son contexte muséal, comme s’il s’agissait de muséifier la vie dès qu’elle apparaît. Pardon, de la « muséaliser », le néologisme s’impose. Les musées, depuis vingt ans, ont proliféré, se sont transformés en centres de tourisme culturel, en entreprises capitalistes très ordinaires, ils sont même parfois devenus miroir de leur propre objet architectural, se sont aussi attribué des rôles confus suivant l’activisme de leurs promoteurs ; ils ont témoigné de la prospérité ou de la bonne volonté culturelle des Etats et régions, ont à l’occasion témoigné de très près de l’état du marché… Le règne de l’audimat, la virtualisation du monde, la disparition des distances géographiques, la pratique de l’art et ses fondements, le politique, l’économique ont radicalement dépoussiéré le musée moderne pour en faire avec les tâtonnements que l’on sait, un outil contemporain. En fait derrière les propos perplexes de Laurent Busine, c’est cette question-là qui se profilait comme une situation en suspension : qu’en est-il de collectionner aujourd’hui, quand on dirige un musée ?

Depuis le début de ses activités, le Mac’s ne privilégie pas l’accrochage permanent de la collection, réservant l’ensemble de ses espaces aux expositions temporaires. Laurent Busine considère la collection qu’il constitue avec l’avis d’une commission internationale1, comme une bibliothèque, une bibliothèque, dit-il, où l’on resserre les ouvrages auxquels on tient, dont on ressort à l’occasion l’une ou l’autre œuvre afin de s’y replonger, de la découvrir autrement, sous un éclairage chaque fois différent. Et celle-ci ne doit pas nécessairement être volumineuse. Sénèque l’Ancien vilipendait déjà le bibliomane, déclarant qu’on ne pouvait vraiment lire au cours d’une vie qu’un nombre restreint d’ouvrages » Et d’ajouter qu’il pourrait en être également ainsi d’une collection de musée : « les choix que nous faisons sont sans doute comparables à ceux que nous effectuons au sein d’une bibliothèque lorsque nous y cherchons de quoi raviver et faire fleurir la fugitive trace d’un moment passé, connu et aimé. La mémoire est parcellaire et de même, la vision que nous avons et que nous gardons d’une œuvre d’art ou d’une collection toute entière ne saurait contenir autre chose que des particules une a une additionnées. »
Le titre de l’exposition en cours, la première en fait qui s’axe directement sur la collection poursuit, précise et amplifie cette métaphore : l’anagramme est ce jeu de mot qui par transposition de lettres permet de créer un autre mot, comme « muséale » et « éluâmes », « artiste » et « attires », « regard » et « garder ». Un mot peut en susciter un autre, une œuvre d’art peut s’enrichir sous des éclairages différents et transformer notre regard, voire produire d’autres imaginaires. C’est là que réside son mystère ainsi que le mystère des regards singuliers qui s’y confrontent. L’exposition est comme une invitation qui dépasse son propre objet tout en s’y appliquant : stimuler l’imagination, appréhender l’œuvre pour la faire sienne, la manipuler en fonction de ses expériences propres, changeantes, mouvantes, au fil du temps. Il en va en effet de l’œuvre d’art comme du livre serré dans une bibliothèque : on peut la lire, la relire, en tout ou en partie, s’y référer, la citer, la réinventer, la traduire, s’y projeter, éprouver sa capacité à en exprimer le contenu, à le modifier. « Notre rôle, précise Laurent Busine, est de laisser apparaître et fonctionner ce qui remplira le regard, l’esprit, la mémoire de celui pour qui l’œuvre parle une langue toute personnelle ». Ce n’est donc pas une exposition thématique, c’est plutôt une question de méthode, une façon d’opérer pour l’équipe du musée et de réinterroger la pratique de la conservation ou de la monstration, une attitude face à l’œuvre d’art comme face au public, la mise en scène de l’exposition, son intitulé indiquant une manière d’appréhender l’œuvre d’art, celle à l’heure où le temps s’accélère, qui consiste à donner du temps au regard : prendre le temps d’ « anagrammer » non pas pour le sport cérébral des mots croisés, mais afin d’éprouver cette vivacité de prendre le mystère à bras le regard.

Il n’est plus question, dès le moment où l’on crée un musée aujourd’hui, de vouloir toucher à l’universel, à la collection encyclopédique. Est-ce nécessaire, d’ailleurs, se demande Laurent Busine, dès lors qu’à moins de deux heures du Grand Hornu, le public peut découvrir la Tate Modern, Beaubourg à Paris, le SMAK gantois, le Stedelijk d’Amsterdam ?
Est-ce raisonnable de tenter encore aujourd’hui d’inventorier l’art du temps de façon plus au moins exhaustive ? Plutôt que de dresser un inventaire des artistes, depuis l’écriture de ses premières expositions au musée, Laurent Busine a préféré s’interroger sur la manière dont les artiste, quant à eux, inventorient le monde et les multiples facettes du réel suivant leur imaginaire singulier, en fait la façon dont l’artiste anagramme le monde. Tout en se fixant un cadre toutefois, puisque des axes directeurs se sont très vite dégagés, en fonction du site même où le musée s’est établi: le rapport à la mémoire, évident si l’on évoque cet ancien site industriel (et les « Registres du Grand Hornu » de Christian Boltanski ont parfaitement incarné ce propos), le rapport à l’architecture, qu’elle soit matérielle ou immatérielle, ainsi que le rapport au poétique. Ce sont bien là des principes fondateurs plutôt que des thématiques, dès lors que ceux-ci peuvent aussi faire l’objet d’anagrammes et donc, au fil des œuvres, prendre d’autres signifiances, d’autres colorations de la pensée, « provoquant reconnaissance et bouleversement, découverte et redécouverte, proximité et éloignement dans un sentiment diffus où se côtoient le connu et l’exotique ». En fait, « Anagramme » est aussi une réécriture de la collection.

L’attitude est singulière. Elle répond à la fois à des questions fondamentales et des situations particulières. Celle d’un musée conçu sans collection au départ, ni privée, ni publique, mais avec la volonté d’en fonder une qui évoluera forcément en fonction de la singularité –et des choix- de ses promoteurs successifs. Celle également d’une pédagogie de la médiation en réponse au consumérisme culturel, option d’autant plus nécessaire dans une région où le musée est première expérience vécue, où donc cette formation au regard a toute son importance, le retard pris en la matière restant crucial. Il n’est pas question d’évacuer tout autre axe, il est juste en jeu de donner des priorités. Celle, enfin, d’évoluer en fonction de possibilités données, l’enveloppe budgétaire ne permettant pas beaucoup plus d’acquisitions que celles qui sont faites à l’heure actuelle (2).

Très logiquement, « Anagramme »3 ne prétend pas non plus à la présentation exhaustive de la collection qui compte aujourd’hui quelque deux cent cinquante pièces acquises depuis 1999. Ici également il n’est pas question d’inventaire. Certaines œuvres ont déjà été montrées lors d’expositions temporaires, acquises à l’occasion de celles-ci, mémoire donc de l’activité du musée. Laurent Busine a préféré mettre l’accent sur des œuvres qui n’ont pas encore été montrées. Plus loin même, lorsque le propos le nécessitait, il a intégré à l’exposition d’autres œuvres prêtées par les artistes, notamment dans les cas d’Orla Barry, Rut Blees Luxemburg, Thomas Ruff, Anne-Marie Schneider et Daan Van Golden. Le principe même d’acquisition fragmente, ponctue le cours créatif, l’évolution d’une œuvre, le cheminement d’un artiste. Pourquoi dès lors se priver de choix corrolaires pertinents, sous prétexte du cadre fixé d’une exposition, dès lors qu’il est possible d’ouvrir le champ à de significatifs compléments. Ainsi le cas du cycle « Liebeslied » que Rut Blees Luxemburg consacra à Londres en 1999, ainsi le cas du film « Foundlings » d’Orla Barry duquel participe les photographies acquises par le musée, ainsi les encres d’Anne Marie Schneider qui contribuent du cours d’une sorte de journal intime.

L’ exposition anagramme ainsi des œuvres d’Orla Barry, Rut Blees Luxemburg, David Claerbout, Filip Francis, Michel François, Marthe Wery, Maria Marshall, Guy Rombouts, Monica Droste & Guy Rombouts, Walter Swennen, Eulàlia Valldosera, Angel Vergara Santiago, Thomas Ruff, Juliao Sarmento, Anne-Marie Schneider, Hubert Duprat, Daan Van Golden, Ann Veronica Janssens, Thierry De Cordier, Balthasar Burkhard, Carlos Amorales, François-Xavier Courèges, Douglas Gordon, Dave Allen, Jonathan Monk, Vibeke Tandberg, Robert Barry, Bernd Lohaus et Mircea Cantor.


1. Enrico Lunghi (Casino de Luxembourg), Joëlle Pijaudier-Cabot (musée de Villeneuve d’Ascq), Bartomeu Mari (Musée d’art contemporain de Barcelone) font partie de cette commission d’acquisitions aux côtés de six membres désignés par les instances politiques.
2. Une enveloppe annuelle de 250.000 euros est allouée par le Ministère de la Communauté française pour les acquisitions du musée. C’est évidemment fort peu par rapport à l’ambition internationale de l’institution.
3. Jusqu’au 7 mai, Mac’ s, musée des arts contemporains au Grand Hornu, tous les jours sauf le lundi de 10 à 18h. Un « album 1999-2004 » a été publié à l’occasion d’une première présentation d’une sélection de la collection au musée d’Art Moderne de Villeneuve d’Ascq. Laurent Busine, Denis Gielen, France Hanin et Ghislain Olivier, 30 x 24 cm, 105 pages, cousu fil de lin, cover cartonnée.

image : Orla Barry, The road to Blackhall, De la série « Foundlings »
Photographie couleurs marouflée sur aluminium, 100 x 100 cm, Edition 3/3, 2002-2004

paru dans H.ART, janvier 2006